Margot Robbie : la reine d’Hollywood
À tout juste vingt-huit ans, l’australienne MARGOT ROBBIE a crevé l’écran dans Le loup de Wall Street et marqué les esprits après cette scène avec Leonardo DiCaprio, été nominée aux Oscars pour son rôle de patineuse artistique dans Moi, Tonya, vient de terminer Marie Stuart, reine d’Écosse, et est actuellement la muse de Quentin Tarantino. Elle resplendit dans des rôles bruts et sans limite. Et il en est de même dans la vie. VASSI CHAMBERLAIN rencontre une actrice divine, réaliste et déterminée. Photo YELENA YEMCHUK. Styliste CAMILLE BIDAULT-WADDINGTON
Dès l’instant où Margot Robbie entre dans le restaurant République à Los Angeles, fendant la foule telle une tornade blonde, je devine qu’elle a un tempérament décidé. C’est peut-être dû à son âge : vingt-huit ans. Mais il y a autre chose. Avant l’interview, ses assistants m’ont demandé à quoi je ressemblais, ce que je portais, où j’étais assise, et si j’acceptais de patienter en cas de retard. Pourtant, lorsqu’elle arrive, elle s’excuse d’emblée d’arriver après moi, et ce, avant même de s’asseoir. Elle me dit être désolée de n’avoir aucune question à me poser, comme lors d’une conversation normale entre deux êtres humains. Cela dirige l’attention vers moi, la journaliste, plutôt que sur Margot Robbie, la star : une chose pareille est aussi rare à Hollywood qu’une oasis dans un désert.
Elle picore dans l’assiette de mon petit déjeuner. Ça ne me dérange pas : je lui donne mon feu vert. Lorsqu’elle est arrivée, je lui ai proposé sans conviction d’aller lui commander le sien au comptoir, (nous sommes assises au fond d’un grand espace, comme demandé par ses assistants, qui fut jadis le studio de Charlie Chaplin, et il n’y a pas de service en salle), mais, peut-être parce qu’elle lit dans mes pensées, elle refuse. Je pousse mon assiette vers elle et l’invite à manger le mien : une tranche de pain garnie de ricotta, de pêches et de noix grillées. Ça me plaît qu’elle déguste mon petit déjeuner. Peu d’actrices le feraient.
Margot Robbie dégage quelque chose de doux et d’attachant. Elle devient sérieuse lorsque je commence à lui poser mes questions, en s’asseyant bien droite et en me regardant avec enthousiasme. « Vous êtes là pour faire votre job », dit-elle. « Et je respecte cela. » C’est un bourreau de travail né. Elle a grandi à Gold Coast, en Australie, et avait l’habitude de vendre de la limonade dans la rue avec ses amis. Contrairement aux autres enfants, elle était intraitable sur le prix. Quand je lui demande comment sa mère la décrirait, le mot qu’elle choisit est « déterminée ». J’ajouterais « incroyablement belle ». Mais cela ne rendrait pas justice à son allure élégante. Sa tenue n’est pas tapageuse : une salopette en lin beige, un débardeur blanc, des chaussons de ville en damas, deux tours de cou fins dorés, et des créoles. Elle possède un vrai je-ne-sais-quoi.
Et côté carrière, tout le monde s’accorde pour dire que c’est une actrice exceptionnelle dont le choix des rôles surprend de manière exponentielle. Sa satire comique et satisfaisante de la patineuse artistique américaine Tonya Harding dans Moi, Tonya en 2017 (qu’elle a également co-produit) lui a valu un triptyque de nominations pour le prix de la Meilleure Actrice aux Oscars, aux Golden Globe et aux Bafta. Elle surprend encore dans son nouveau film Marie Stuart, Reine d’Écosse, dans lequel elle incarne une Élisabeth 1re tout d’abord attentionnée puis de plus en plus dure et intraitable face à une Mary à la fois douce et rebelle, jouée par Saoirse Ronan. Tout comme on peut le voir dans Moi, Tonya, son personnage de Marie Stuart, Reine d’Écosse est enlaidi à un degré qui déstabilisera ceux qui ne se sont toujours pas remis de cette scène du Loup de Wall Street où, assise sur le sol d’une chambre d’enfant, les jambes légèrement écartées, elle nargue Leonardo DiCaprio avec ces mots : « Maman n’en peut plus de porter une petite culotte. »
Les rôles métamorphosants sont recherchés par les actrices sérieuses puisqu’ils leur permettent de détourner l’attention de leur beauté physique, au profit de leur talent de comédienne. Ces films-là sont ovationnés par les critiques de cinéma, moins par le box-office, ce qui porte parfois préjudice à la cote de popularité de ces comédiennes. Pas à Margot Robbie, qui estime que si c’est une bonne chose de se fondre dans la peau d’un personnage, il faut au moins le faire dans un film qui plaira à tout le monde. Et c’est le cas de Marie Stuart, Reine d’Écosse, un long-métrage moderne, fort et captivant, dont les deux personnages principaux sont des femmes. C’est probablement la raison pour laquelle elle a sauté sur l’occasion de jouer le rôle d’Élisabeth 1re, bien qu’elle admette s’être au départ sentie nerveuse à l’idée d’accepter un tel rôle. « Cette reine est un personnage historique emblématique incroyable. Sa vie a déjà été portée à l’écran par les plus grandes actrices, dont Cate Blanchett et [Dame] Judi Dench. Qui suis-je pour avoir la prétention de me joindre à elles ? Donc au départ je me suis dit “C’est hors de question.” Je ne pensais pas pourvoir en être capable. » Elle marque une pause et se met à rire. « Le film n’est pas encore sorti donc on ne sait pas encore si c’est le cas… »
“La première fois que j’ai eu une réunion avec mes agents aux États-Unis et qu’ils m’ont demandé mon souhait de carrière le plus cher, j’ai répondu que mon rêve serait de tourner avec Tarantino
”
Au moment de prendre la décision de tourner ou non dans ce film, la présence de Saoirse Ronan a pesé dans la balance. Elles se sont rencontrées lors d’un dîner chez Richard Curtis et l’entente fut immédiate. « Je me souviens l’avoir trouvée incroyablement cool. Intelligente, drôle, et avec les pieds sur terre. J’ai eu un coup de foudre amical à ce moment-là. » Ce n’est que vers la fin du tournage qu’elles se sont retrouvées car leurs scènes étaient tournées séparément ; c’est avec Joe Alwyn, qui incarne Robert Dudley, le favori d’Élisabeth 1re , qu’elle a le plus tourné. Je lui confie avoir réalisé sur le tard qu’il s’agit du petit ami de Taylor Swift. « Je sais », me répond-elle, « Je ne savais pas qu’ils étaient ensemble non plus. » Nous tombons d’accord sur le fait qu’il est très beau.
Margot Robbie travaille actuellement sur le prochain film de Quentin Tarantino, Once Upon a Time in Hollywood, attendu de pied ferme en juillet 2019. Elle interprète le rôle de Sharon Tate (la femme de Roman Polanski, assassinée par la « famille » Manson), et partagera l’affiche avec Leonardo DiCaprio et Brad Pitt. Joli casting. « Certes, mais j’étais très peu sur le plateau avec eux », dit-elle. J’aimerais en savoir davantage. Elle est plus loquace à propos de Quentin Tarantino. « C’est le but d’une vie », confie-t-elle. « La première fois que j’ai eu une réunion avec mes agents aux États-Unis et qu’ils m’ont demandé mon souhait de carrière le plus cher, j’ai répondu que mon rêve serait de tourner avec Tarantino. Tout le monde me demande “Comment ça se passe ? Comment est-il sur le tournage ?” Ça fait dix ans que je travaille, et pourtant, quand j’y suis, je me surprends à penser “C’est tellement cool ! Regarde ça ! C’est dingue ! Oh mon Dieu !” Je suis comme un enfant dans un magasin de bonbons, et je vois Quentin Tarantino arriver, aussi enthousiaste que moi, sinon davantage, il est si motivé. C’est son film, il est sur son territoire, et pourtant, il n’est pas blasé le moins du monde : seulement heureux d’être là. »
L’une des premières choses qu’elle a demandées au réalisateur de Pulp Fiction et de Kill Bill ? Si elle aurait besoin de porter une fausse poitrine. « Je suis très plate, et Sharon Tate ne l’était pas. Donc je lui ai demandé “Y a-t-il une alerte fausse poitrine ?” et il m’a répondu “Non, ça ne change rien au personnage.”» A-t-elle contacté Roman Polanski pour avoir une conversation à propos de sa femme ? « Non, non, je ne l’ai pas fait, mais il a écrit un livre si détaillé que je n’en ai pas eu besoin. »
On peut affirmer sans se tromper que depuis qu’elle est arrivée à Los Angeles en 2011, son ascension a été rapide. Elle avait alors vingt ans, venait d’achever le tournage du soap opera australien Les Voisins, qui a duré trois ans, et espérait obtenir un rôle dans la nouvelle série Drôles de dames. À la place, elle a été engagée sur la série d’une saison Pan Am, aux côtés de Christina Ricci. Des petits rôles ont suivi, dans Il était temps de Richard Curtis, et une adaptation de Suite Française d’Irène Némirovsky. Mais c’est Le loup de Wall Street qui a changé la donne. Depuis, les opportunités se succèdent : Tarzan, Suicide Squad, Goodbye Christopher Robin, une apparition dans son propre rôle dans The Big Short : Le casse du siècle, et la consécration finale en animant le show télévisé Saturday Night Live aux côtés de The Weeknd.
On peut imaginer ce qu’Hollywood a pensé lorsqu’elle a fait part de son business plan. Elle explique que son agent australien l’a bien préparée. Probablement, mais ce n’est pas uniquement son ambition qui frappe, c’est sa conscience de son succès, de sa propre personnalité, de ce qu’elle veut et de la façon dont elle va l’obtenir. Elle s’assure que les personnes qui travaillent pour elle le sachent lors de leurs entretiens biannuels, qui s’articulent toujours autour de son mantra : « qualité, variété et longévité ». « On se demande si c’est ce vers quoi on se dirige, ou si sommes en train de dévier. Et quand c’est le cas, c’est bien d’avoir ces discussions et de se dire “D’accord, rectifions le tir. ” »
Margot Robbie est une actrice talentueuse, mais surtout une personne bien éduquée qui a les pieds sur terre et désire une belle carrière. Quelqu’un pour qui l’argent n’est pas le plus important. Elle est aussi capable de rire d’elle-même. « Je conseille de faire semblant de maîtriser la situation, car au final tout le monde prétend savoir ce qu’il fait même si c’est rarement le cas. » Elle marque une pause et sourit. « On est lundi matin et me voilà en train de délivrer des paroles de sagesse. »
“Je conseille de faire semblant de maîtriser la situation, car au final tout le monde prétend savoir ce qu’il fait même si c’est rarement le cas
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Elle est si à l’aise dans sa peau que l’on comprend que son enfance auprès de ses deux frères et sa sœur fut très heureuse. Ses parents ont divorcé lorsqu’elle était jeune et ils ont vécu avec leur mère, physiothérapeute, au bord de la mer. Elle peste contre ceux qui essaient de la décrire comme une fille de l’arrière-pays partie de rien. « J’ai eu la meilleure éducation possible. Je sais que je peux vivre avec très peu d’argent. Je sais comment faire. Ça m’est déjà arrivé et ça ne me fait pas peur. »
Il semblerait que cette enfance équilibrée l’aide à avoir des relations saines, aussi bien avec les hommes qu’avec les femmes. Sa vie amoureuse a toujours été une frustration pour les journaux à scandale car elle est difficile à cerner, et sa décision d’épouser le britannique Tom Ackerley à 26 ans était inattendue. « J’ai toujours pensé qu’être mariée semblait extrêmement ennuyeux, et que j’attendrais la trentaine pour me lancer et voir comment ça se passe », confie-t-elle. C’est alors qu’elle a rencontré Tom Ackerley sur le tournage de Suite Française. C’était le troisième assistant réalisateur, et elle avait le troisième cachet d’actrice après Michelle Williams et Kristin Scott-Thomas. Plutôt que de se lier aux stars, elle fréquentait l’équipe technique. Ils se sont si bien entendus qu’ils lui ont proposé d’emménager avec eux dans une maison qu’ils partageaient à Londres. Un an plus tard, ils ont annoncé leur relation à leurs colocataires. Cela a déséquilibré l’ambiance décontractée mais délicate du foyer. Ce n’est que lorsqu’ils ont déménagé à Los Angeles deux ans plus tard qu’ils ont vécu tous les deux.
Ils ont même monté leur propre société de production, LuckyChap Entertainment, avec deux de leurs anciens colocataires londoniens. Les films Moi, Tonya et Terminal ont tous deux été produits par Ackerley. « Je prône les projets professionnels en couple », dit-elle. « En réalité, le mariage est génial et je trouve que la vie devient plus excitante. Être la femme de quelqu’un engendre des responsabilités et je veux devenir une meilleure personne. » Lorsqu’ils sont séparés, ils suivent une règle : « Nous nous téléphonons tous les jours et essayons de nous rejoindre pour une nuit si nous nous trouvons dans le même pays. »
Quand le sujet des enfants se profile, sa réaction est sans équivoque : « Non ! Sans hésitation », répond-elle en riant. Est-ce que son mari ressent la même chose ? « Il y a trois jours, il s’est arrêté dans un refuge pour chiens en revenant de l’aéroport, et nous avons maintenant un chiot pitbull », dit-elle. « Nous avons déjà un chien de deux ans qui se comporte comme un chiot. Je l’adore, mais il requiert beaucoup d’attention, et je n’ai pas dormi ces trois derniers jours. J’ai décrété qu’on la mettrait en pension pendant une semaine, mais mon mari a refusé. Je lui ai répondu qu’il était en train de me convaincre que l’on ne pourrait pas avoir d’enfants. Je ne m’en sors pas avec deux chiots, alors des enfants, vous imaginez ! » Je lui conseille de rester sur ses gardes, car en général tout commence avec un animal de compagnie. Elle marque une pause et regarde le plafond. « Si j’essaie de me visualiser dans 30 ans, j’imagine un dîner de Noël avec plein d’enfants », dit-elle. « Mais c’est hors de question pour le moment. J’en suis sûre à 100 %. »
Elle me parle de tous ses amis : les camarades d’école australiens, son groupe londonien, et ses nouvelles connaissances new-yorkaises. Je comprends mieux sa sécurité émotionnelle. « Je peux vous montrer mon téléphone. Ça me donne des palpitations, j’ai au moins 80 textos non lus, 500 messages WhatsApp et 300 emails… » Poppy et Cara Delevingne sont deux de ses amies les plus proches, et également actrices. Elle est allée à Glastonsbury avec cette dernière, qu’elle a rencontrée sur le tournage du film Suicide Squad. « Comparée à ces deux-là, je suis la personne la plus ennuyeuse du monde », s’amuse-t-elle. « Cara dit des choses comme “Ce soir je vais faire de la lutte dans la boue”. Et je réponds “J’ai un rendez-vous à 7 heures du matin, je ne peux pas sortir me battre dans la boue, on est mercredi soir.” Parler d’elles me rappelle à quel point elles me manquent. Je vais téléphoner à Cara dès la fin de l’interview. »
“Je n’aime pas la façon dont la célébrité m’a rendue cynique. À chaque fois que quelqu’un a un geste gentil, une petite voix dans ma tête se demande si c’est sincère ou si cette personne espère quelque chose en retour
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Au sujet de la célébrité, elle est catégorique : « Je ne supporte pas les gens qui prennent des photographies sans permission, et ça arrive très souvent. Tout le monde possède un téléphone muni d’un appareil photo. » A-t-elle le sentiment désagréable de toujours devoir être prête à être photographiée ? Non. « J’ai l’impression que certaines personnes considèrent leur image comme leur marque de fabrique. Il m’est arrivé de me trouver dans un hôtel et de croiser des gens le lendemain matin d’une cérémonie de remise de prix. Alors que je savais qu’ils n’étaient pas très frais, ils ont publié une photo d’eux avec une tenue et un brushing parfaits. C’est leur marque. » Quelle est la sienne ? « Je veux que les gens me voient comme une actrice. Je ne suis pas un mannequin. »
Peut-être pas, toutefois elle fait régulièrement la couverture des magazines, et elle compte parmi les actrices les mieux habillées au monde. Elle est le visage du parfum Deep Euphoria de Calvin Klein, et Chanel l’a choisie comme ambassadrice. Aujourd’hui, avec son carré long ondulé et son maquillage discret, elle ferait le bonheur des photographes de street style. Est-elle férue de mode ? « Pas tant que ça », répond-elle. « Je l’apprécie en tant qu’art, mais ce n’est pas ma passion. » C’est la styliste Kate Young qui s’occupe de ses tenues, ainsi que de celles de Sienna Miller et de Natalie Portman. « Je lui fait confiance, je lui dis juste quel style je veux et quelle impression je veux donner, puis on discute. »
Ce doit être difficile de deviner ce que les gens pensent vraiment de vous, aussi bien sur le plan professionnel que personnel, surtout lorsqu’ils sont payés pour approuver. « Vous devez bien vous comporter », dit-elle en acquiesçant. « Mais je ne sais pas si je pourrais devenir un vrai monstre. » A-t-elle noté un changement de personnalité depuis qu’elle est devenue célèbre ? Est-elle plus gâtée, capricieuse, colérique ? « Je n’aime pas la façon dont la célébrité m’a rendue cynique », répond-elle. « Et ça m’ennuie parce que j’ai toujours été très optimiste. Toujours. Mais ça se fane au fil des années. » Peut-elle être plus précise ? « Les intentions des gens. Et c’est triste, je ne sais pas comment me défaire de ça. À chaque fois que quelqu’un a un geste gentil, une petite voix dans ma tête se demande si c’est sincère ou si cette personne espère quelque chose en retour. Peu importe si c’est un membre de ma famille ou un étranger, cette voix est là en permanence alors que je déteste douter des gens. Mais au final, je préfère me faire avoir plutôt que de devenir quelqu’un de complètement cynique qui ne se fait jamais plumer. »
Elle lit les critiques cinématographiques sur Internet mais se tient à l’écart des sites people. À son avis, quelle opinion l’industrie a-t-elle de son travail ? « Je me pose souvent la question », me répond-elle. « Vous savez, quand vous êtes avec vos amis, que vous vous demandez quoi regarder, que quelqu’un propose un film et que tout le monde dit “Beurk, non, je ne supporte pas cet acteur, le voir me donne envie de me tirer une balle, il est horrible !” Eh bien, je me demande combien de personnes pensent “Je ne peux pas regarder les films de Margot Robbie… Je la déteste.” Alors oui, je me demande si j’agace les gens, et si je donne une interview, si quelqu’un dira “Oh, elle est tellement comme ceci, ou comme cela.” »
“Avant le mouvement #MeToo, j’ignorais la définition du harcèlement sexuel. J’approche de la trentaine, je suis éduquée, je m’exprime correctement, je possède ma propre société, et je ne savais pas. C’est fou
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Bien évidemment, un seul sujet règne à Hollywood en ce moment. A-t-elle, elle aussi, été victime de harcèlement sexuel ? Sa réponse ne se fait pas attendre : « Oui ! Mais pas à Hollywood. D’ailleurs, je connais peu de femmes à qui ça n’est pas arrivé, à un certain degré. Donc, oui, à de nombreuses reprises, et à des degrés de gravité divers. » Lorsqu’elle était plus jeune, à l’époque des voyages entre amis, sa mère lui faisait lire des articles mettant en garde contre les dangers des voyages en sac à dos. « Elle me disait “Chérie, fais bon voyage, et voici un article qui peut se révéler utile, à propos de, tu sais, éviter de se faire violer. ” Et je répondais “Merci maman, bon voyage !” Pense-t-elle que les choses ont évolué depuis ? « Assurément. Car désormais les gens savent que c’est un problème auquel ils peuvent dire non. Voire, comprennent qu’il s’agit d’un problème. Comme je l’ai déjà dit, avant le mouvement #MeToo, j’ignorais la définition du harcèlement sexuel. J’approche de la trentaine, je suis éduquée, je m’exprime correctement, je possède ma propre société, et je ne savais pas. C’est fou. » Elle savait probablement reconnaître une limite franchie, mais je suppose qu’elle fait dorénavant la différence entre de l’intimidation et une agression physique. « J’ignorais qu’il était possible de dire “j’ai été agressée sexuellement” si la personne ne vous touchait pas physiquement. Maintenant je le sais, car j’ai effectué des recherches sur le harcèlement sexuel et sur la façon dont cela peut impacter votre carrière et votre salaire. » Elle n’en dira pas davantage.
Le jour où nous nous rencontrons, on apprend qu’elle est pressentie pour incarner Barbie dans le film en préparation. Vraiment ? « Ah oui, ça. Ce n’était pas censé être annoncé. C'est toujours en pourparlers, j’espère que ça verra le jour. » Un commentaire ? « Quelque chose d’ennuyeux comme “Je suis enthousiaste à propos de ce partenariat avec [le fabricant de jouets] Mattel.”» Je me demande quelle place a ce projet dans son mantra. Ce choix peut sembler étrange, mais comme elle est intelligente, elle l’a probablement fait pour des raisons commerciales, ou peut-être aime-t-elle simplement l’idée de jouer Barbie.
Avant qu’elle ne s’en aille, je l’interroge à propos de sa scène épique dans Le loup de Wall Street. Elle rit. « Nous étions 30 personnes entassées dans une chambre exiguë. » Uniquement des hommes ? « Que des hommes. Et pendant 17 heures j’ai dû faire semblant de me toucher. C’est une chose vraiment bizarre. Vous devez faire fi de la gêne que vous ressentez, ainsi que de l’absurdité de la situation, et vous concentrer sur votre travail. » Et c’est bien ce qu’elle a fait.
Le chronomètre de son téléphone sonne la fin de notre entretien, et elle s’en va comme elle est arrivée, avec détermination, et en s’excusant. « Je m’excuse à nouveau », dit-elle en attrapant son sac. « Notre conversation était à sens unique. J’espère que l’on se reverra et que cette fois-ci on pourra vraiment discuter. » Sur ces mots, la star hollywoodienne disparaît dans la foule anonyme. Et je termine ce qu’elle a laissé de mon petit déjeuner.
Marie Stuart, Reine d’Écosse sortira aux États-Unis le 7 décembre 2018 et en France le 20 février 2019.
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