La dame de fer

MAISIE WILLIAMS : D’après toi, quel a été le meilleur moment pour Cersei dans la série ?

LENA HEADEY : Le point fort de la saison dernière, c’est quand elle fait exploser le Grand Septuaire de Baelor et qu’elle déguste son verre de vin ensuite. Cette saison est très importante aussi, car elle a perdu tout ce qui comptait dans sa vie, et maltraite l’un des personnages… Elle est odieuse au possible.

MW : As-tu été fâchée avec elle au moment de l’explosion ?

LH : Non ! J’ai adoré ce moment. Le Grand Moineau joué par Jonathan Pryce a débarqué dans sa vie, en pensant « Je vais te manipuler. » Donc quand elle a pris sa revanche, j’ai dit, “Bravo ! Va te faire f* !” Et elle a aussi détruit Margaery Tyrell Natalie Dormer et son décolleté pigeonnant.

MW : Tu m’as un jour dit que tu étais une adolescente rebelle…

LH : rires Oui, je faisais tout le temps entrer des garçons en douce chez nous. Nous vivions dans une petite maison avec un tout petit palier dans le Yorkshire, et une nuit, mon copain est allé faire pipi et a trouvé ma mère assise nue sur les toilettes. Elle a hurlé, lui aussi, puis mon père est sorti de la chambre et l’a chassé de la maison, tout nu.

MW : Tu travaillais depuis un moment avant d’obtenir le rôle de Cersei. Comment t’es-tu adaptée à la popularité de la série ?

LH : Cela fait 25 ans que je suis actrice et cette série m’a ouvert beaucoup de portes. Si aujourd’hui j’annonce que je me lance dans la réalisation, les gens écouteront au moins ce que j’ai à dire. Mais ça n’a pas transformé ma vie parce que j’ai fait toutes les folies possibles pendant ma jeunesse. Je serais probablement morte si j’avais connu la célébrité quand j’étais jeune. Les choses qu’on peut faire, les portes qui s’ouvrent, les personnes qu’on rencontre, les soirées… C’est dingue.

MW : Quel conseil me donnerais-tu pour que je ne perde pas la tête ?

LH : Je t’aimerais toujours, Maisie, parce que tu es restée toi-même. Vous les jeunes acteurs de Game of Thrones avez très bien géré votre notoriété. Je trouve ça génial ; vous avez grandi avec cette série, et vous êtes restés charmants. Aucun de vous n’est un c**, c’est fou ! Plein de gens le seraient devenus.

MW : Être une femme dans ce métier ce n’est pas toujours facile. Comment le vis-tu ?

LH : J’en parlais avec une autre actrice, et lui demandais, « Est-ce que cela t’arrive de répéter la même chose dix fois sans qu’on ne t’écoute et qu’il suffise d’une fois pour qu’un homme se fasse entendre ? » Ils diront la même chose et tout le monde s’écrira, « Quelle bonne idée » et je leur dis « Voilà 20 fois que je vous le répète mais vous avez choisi de ne pas écouter ou d’ignorer mon idée. »

MW : Tu disais aussi qu’être une femme, c’était bien souvent être jugée sur son physique dès qu’on entre dans une pièce.

LH : Oui. Avec l’âge, je suis plus heureuse, parce que les femmes que je joue n’ont pas à être belles. Je ne subis plus cette pression. Les acteurs masculins peuvent avoir l’air atypiques, mais les femmes se doivent d’être belles et maigres. Quand j’avais la vingtaine, je faisais beaucoup d’auditions aux États-Unis. Un directeur de casting m’a un jour dit : « Les hommes récupèrent les enregistrements pour les visionner chez eux et se demandent, “Avec laquelle je pourrais bien coucher ?” » Je n’ai jamais flirté pendant une audition.

MW : Penses-tu que cette attitude t’a coûté des rôles ?

LH : Oui, et je suis très contente de ne pas les avoir eus.

MW : Tout à fait. Tu peux nous parler de tes tatouages ?

LH : J’ai ces trois-là sur les bras, et mon dos en est recouvert. Un jour, mes petits-enfants rentreront cette peau tatouée à l’intérieur de ma culotte rires. Mais j’aime mes tatouages parce qu’ils racontent mon histoire.

MW : Avec le Comité international de secours, nous sommes allées voir des camps de réfugiés en Grèce. Nos expériences sont différentes, moi jeune, toi mère de famille. C’est lorsqu’on se retrouve face à quelqu’un qui mérite les mêmes opportunités et qui est aussi intelligent que nous, mais qui est forcé de vivre dans une tente avec des inconnus, qu’on réalise combien c’est horrible. Qu’est-ce qui t’a le plus marquée ?

LH : J’étais assise avec des mères de mon âge et elles disaient, « S’il vous plaît, dites-leur que je ne suis pas une terroriste. » J’ai pensé : « C’est affreux que vous ayez à me dire ça. Je n’ai pas peur de vous, vous êtes mon égale. » Ces femmes veulent juste rentrer chez elles, travailler, éduquer leurs enfants, cuisiner, avoir le choix. Mais elles ne l’ont plus et elles sont coincées.

MW : Ton fils est né lors du début du tournage de Game of Thrones. Comment as-tu vécu les scènes traumatisantes alors qu’il se passait tant de choses dans ta vie ?

LH : C’était atroce – je faisais une dépression postnatale, sans le savoir. Lors d’une visite médicale, j’ai éclaté en sanglots. Le médecin m’a alors dit que j’étais en pleine dépression ; ma réaction a été, « Ah bon ? » J’ai vu quelqu’un de génial qui m’a requinquée, mais j’ai passé ma première année dans Game of Thrones dans cet état étrange, tout en essayant de m’habituer à mon nouveau rôle de mère. C’était difficile.

MW : Les acteurs de Game of Thrones ne tournent pas toujours ensemble, comment trouves-tu l’ambiance sur le plateau ? Jouer le rôle d’Arya est plutôt joyeux. Rory McCann, Le Limier et moi avons passé de bons moments sur le plateau, bien que durant l’une des saisons, il faisait ce régime drastique pour son programme fitness. Il est très drôle, mais au régime, euh …

LH : C’est autre chose rires. Peter Dinklage, Tyrion Lannister me fait tellement rire. Et Conleth Hill, Varys est brillant, talentueux et drôle. Sur le plateau je tombe tout le temps dans les escaliers, quand j’essaie d’être gracieuse. Ces marches sont si vieilles maintenant et très glissantes. Et si on veut s’asseoir comme il faut… Les chaises se replient et on se fait manger le derrière.

MW : Connais-tu les autres scénarios tournés ailleurs, ou préfères-tu seulement connaître le tien pour garder l'effet de surprise lorsque tu regardes la série ?

LH : Les deux. Pendant la dernière saison, en post-production à L.A., j’ai regardé la mort de Hodor à l'écran. J’étais en larmes. Le technicien m’a demandé « Ça va ? » et j’ai dit, « Je ne savais pas, je ne savais pas qu’il était mort. » Quel chagrin. J’avais le cœur brisé.

MW : Dans la série, je dis toujours que j’aimerais revoir Cersei, mais je pense que si elles se retrouvaient, l’une des deux finirait par mourir.

LH : Arya tuerait sûrement Cersei. Elle est si diabolique qu’elle y arriverait. Elle se fait des masques de visages humains cette folle !

MW : Alors, qui veux-tu voir sur le Trône de fer à la dernière heure ? Qui prend le pouvoir ?

LH : Je crois qu’elle est déjà assise sur le trône, non ?