Force de la nature
Avec
Joan Smalls

La diversité et la force intérieure ont toujours été au cœur de l’identité et de la carrière de JOAN SMALLS, mannequin portoricain. Elle s’ouvre à GILLIAN BRETT sur la nécessité de promouvoir l’inclusion sur les podiums, la façon de vaincre l’adversité, et comment les réseaux sociaux ont enfin donné de la portée à sa voix.
Une détermination à toute épreuve : voici ce qui décrit le mieux Joan Smalls. Ces dix dernières années, elle a connu une belle ascension, avec le titre de Mannequin de l’Année décerné en 2012, ainsi que celui de membre des « New Supers » par le site models.com. Mais comment ses amis la décriraient-ils ? Elle réfléchit. « Drôle », commence-t-elle. « Énergique, sincère, avec du caractère. Parfois un peu folle, mais dans le bon sens du terme. Je suis tout simplement moi-même », résume-t-elle. « Un dicton espagnol dit “No soy un billete de cien para caerle bien a todo el mundo”, ce qui signifie “Je ne suis pas un billet de cent dollars, donc je sais que je ne vais pas plaire à tout le monde. ” »
Pourtant, il est difficile d’imaginer qu’on puisse ne pas aimer Joan Smalls, qui correspond tout à fait à la description qu’en font ses amis. Le top, dont la beauté (ces yeux, ces pommettes !) fait tourner les têtes sur les panneaux publicitaires du monde entier, s’est fait connaître à l’âge de 21 ans, lorsqu’elle a défilé pour la collection printemps-été 2010 de Givenchy créée par Riccardo Tisci. Depuis, elle a travaillé sur plus de 400 défilés, fait la une d’innombrables magazines, illustré des campagnes Tom Ford, Bottega Veneta et Gucci. C’est aussi la première femme d’origine latine à être devenue le visage d’Estée Lauder. L’année dernière, elle s’est hissée aux côtés de Bella Hadid au rang des mannequins les mieux payés au monde, avec un revenu estimé à 8,5 millions de dollars entre juin 2017 et juin 2018, et aucun signe de baisse.
« L’industrie de la mode s’est ouverte à L’INCLUSION, et ne se contente plus d’une seule femme de COULEUR ou appartenant à une MINORITÉ sur les podiums »
Toutefois, son succès n’était pas acquis d’avance. Contrairement à la plupart des contes de fée du mannequinat, Joan Smalls n’a pas été découverte par un chasseur de tête puis propulsée sur le devant de la scène. Son ambition est née pendant son enfance, lorsqu’elle et ses deux sœurs organisaient des concours de beauté imaginaires chez ses parents à Porto Rico. À l’âge de 13 ans, elle a participé à un concours de mannequins, mais n’a pas été retenue. Elle ne s’est pas démontée pour autant et a envoyé des photographies à des agences à New York et à Los Angeles, tout en étudiant la psychologie à l’université interaméricaine de Porto Rico, où elle a reçu son diplôme avec mention honorifique. En 2007 elle a signé son premier contrat avec Elite Model Management à New York, mais c’est son départ pour IMG deux ans plus tard qui a lancé sa carrière grâce au succès Givenchy.
Pour Joan Smalls, les choses n’ont pas été, et ne sont toujours pas, un long fleuve tranquille. En 2016, lors d’un panel de discussion « Business of Fashion », elle a expliqué avoir parfois essuyé des refus notamment à cause de son ethnicité. « J’ai toujours eu du mal à décrocher une campagne pour un produit capillaire », dit-elle. « Ça me laisse perplexe. J’ai été pressentie pour des projets puis décommandée à la dernière minute, et leur excuse était “nous avons eu peur d’essayer une chose nouvelle”. Et par “nouvelle” ils voulaient dire “nous n’avons jamais photographié de femme noire”. Néanmoins, trois ans plus tard, elle admet que la situation a changé. « L’industrie de la mode s’est ouverte à l’inclusion, et ne se contente plus d’une seule femme de couleur ou appartenant à une minorité sur les podiums », se réjouit-elle. « Je me souviens que lorsque j’ai commencé, j’étais souvent la seule qui faisait partie des quotas, ou nous étions seulement deux, ou alors aucune. Aujourd’hui il a plus d’acceptation, mais j’espère que ce n’est pas juste une phase et que cela va continuer. »
« J’avais envie de découvrir le MONDE et d’apprendre auprès d’autres personnes qui ont VOYAGÉ »
La diversité a toujours fait partie intégrante de son identité. Son père, comptable, est d’origine afro-irlandaise, et sa mère, travailleuse sociale, est portoricaine avec des racines espagnoles, sud-asiatiques et taïnos. « J’ai grandi au sein d’un foyer multiculturel au nord de Porto Rico », explique-t-elle. « J’avais envie de découvrir le monde et d’apprendre auprès d’autres personnes qui ont voyagé. C’est si important, et pas juste au niveau de l’éducation : il s’agit de s’entourer de personnes qui partagent le même état d’esprit, qui veulent se donner du mal, qui ont de l’ambition. »
Malgré sa personnalité sociable et pleine d’entrain, Joan Smalls admet qu’après avoir passé près de 10 ans sur les podiums, elle cherche la tranquillité pendant la Fashion Week, car les exigences liées aux réseaux sociaux ont augmenté. « Je ne suis pas à l’aise dans la foule, donc j’ai tendance à me cacher dans les coulisses », dit-elle. « Les réseaux sociaux ont engendré une nouvelle arène où la demande est constante, et les gens ont besoin de plus de contenu. Auparavant les photographes prenaient des photographies dont ils avaient l’exclusivité puis les publiaient sur Internet, dans les magazines, etc. Aujourd’hui il y a un photographe ou deux (un pour la vidéo, un pour les images) dédiés aux réseaux sociaux également. La plupart du temps vous donnez tant de votre personne pendant cette courte période que vous sentez votre énergie baisser. Il ne s’agit pas de ce que les gens voient pendant le défilé : vous êtes tiraillée dans 10 directions différentes, car en plus de vouloir son propre maquillage et coiffage, chaque magazine a son propre compte sur les réseaux sociaux. C’est too much, et c’est pour ça que je me cache ! »
« Les gens peuvent voir que vous avez de l’humour, que vous vous BATTEZ pour des causes, et votre voix peut avoir plus D’IMPACT. C’est l’avantage principal des réseaux sociaux. Avoir une voix donne du POUVOIR »
Joan Smalls utilise sa propre page Instagram (qui compte 3.1 millions d’abonnés) pour publier des selfies et des clichés pris en coulisses, mais aussi des stories à propos de son pays d’origine, des causes qu’elle soutient, et des photos attendrissantes de Karma, son rottweiler. « Les gens peuvent ainsi voir que vous avez de l’humour, que vous vous battez pour des causes, et votre voix peut avoir plus d’impact. C’est l’avantage principal des réseaux sociaux. Pas besoin de relayer le message par le biais d’une agence de relations presse. Avoir une voix donne du pouvoir. Surtout en tant que mannequins, parce que nous sommes en quelque sorte conditionnés à être regardés mais pas entendus. » L’une des initiatives qu’elle partage volontiers est la campagne United Nations Girl Up, un mouvement international qui vise à inspirer « les jeunes femmes (et hommes) à renforcer leurs communautés et à rapporter les inégalités sociales dont elles ou ils seraient témoins. » L’année dernière, Joan Smalls a été la porte-parole de l’association lors de sommets internationaux, et fut profondément émue par les jeunes militants passionnés qu’elle y a rencontré : « C’était juste incroyable de voir cette jeunesse s’impliquer autant pour un futur meilleur. »
« Si quelque chose ne fonctionne pas, ACCEPTEZ-LE. Ne faites pas un blocage dessus, et avancez. L’ECHEC permet de GRANDIR »
C’est cette force et cette détermination à faire une différence qui ont fait écho en elle. Pendant le sommet principal de Girl Up en 2018, elle a parlé de la façon dont elle a surmonté un diagnostic de scoliose (une courbure de la colonne vertébrale), à savoir en l’empêchant de la définir ou de la décourager de poursuivre son rêve de devenir mannequin. Après avoir su qu’elle échappait à une opération de la colonne à deux ou trois degrés près, elle a décidé d’effectuer des exercices stricts afin de renforcer son dos. « Je dois veiller à ce que mes fessiers soient parfaitement musclés, ainsi que le bas de mon dos, afin de soutenir ma posture, parce que j’ai tendance à être avachie. Comme je voyage et suis debout en permanence, j’ai choisi les bons exercices pour corriger ça. » Au sens figuré, sa colonne vertébrale est le pilier de sa force intérieure. « Si quelque chose ne fonctionne pas, acceptez-le. Ne faites pas un blocage dessus, et avancez. L’échec permet de grandir, et c’est comme ça que le succès arrive : en essayant perpétuellement. »
Le mannequin figurant dans cet article n’est pas associé à NET-A-PORTER et n’en assure pas la promotion, ni celle des produits présentés.